Divine Emilie
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Emilie (Léa Drucker) et Voltaire (Thierry Frémont)
réalisateur Arnaud
Sélignac
scénario
d’Elisabeth Badinter et Chantal de Rudder
diffusion décembre 2007 sur France 3
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"... dans un univers de recherche et
d’amour avec l’homme qu’elle a choisi d’aimer, un homme qu’elle place à son
niveau : Voltaire."
De
temps à autre, on trouvait bien une allusion à Émilie du Châtelet dans les
ouvrages d’Histoire, mais en sa seule qualité de maîtresse de Voltaire...
C’était tout de même un peu court pour une dame qui fût notre première savante et permit aux Français, très en
retard à l’époque, de prendre enfin part à la grande aventure scientifique
grâce à sa traduction et sa réactualisation des « Principia » de Newton.
« Ce que les plus savants hommes de France auraient dû
faire, et que les autres doivent étudier, une femme l’a entrepris et achevé,
à l’étonnement et à la gloire de son pays », écrivait d’elle Voltaire. Après deux livres et une superbe exposition
à la BN consacrés à sa chère Émilie, Élisabeth
Badinter voulait parachever son sauvetage de la
divine marquise en livrant cette créature qu’elle chérit entre toutes au
support le plus populaire, celui qui ouvre le plus de cours et de
têtes : un film de télévision.
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Claude Rich et Barbara Schulz
Marie
Corneille jouée par Barbara Schulz
Elle est la pupille de
Voltaire, recueillie par lui parce qu’il croyait qu’elle était
l’arrière-petite-fille du dramaturge. De caractère indépendant, elle est
la seule à oser tenir tête au
châtelain de Ferney. C’est elle aussi qui parviendra, à force de ruse et
de conviction, à porter l’intérêt de Voltaire sur l’infortunée famille
Calas.
diffusion janvier 2009 sur Arte
Quand Voltaire,
révolté, invente l'opinion publique pour dénoncer dans l'Europe entière une
erreur judiciaire.
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L'histoire : nous sommes à Toulouse le 13 octobre
1761. Il est 10 heures du soir. Pierre Calas, fils de Jean Calas négociant
protestant, découvre le corps de son frère Marc-Antoine, allongé sur le sol
de la maison familiale. L’environnement ne présente aucun signe de désordre
et la victime ne porte aucune plaie apparente, sinon une trace au cou qui
laisse penser qu’elle a été étranglée.
Dans un climat de fanatisme et d’intolérance religieuse, la rumeur enflamme
la cité de Toulouse : un meurtre calviniste aurait été perpétré. D’emblée,
pour le capitoul David de Beaudrigue chargé de l’affaire, Marc-Antoine Calas
a été assassiné par ses propres parents qui déclarent sous serment avoir
trouvé le cadavre allongé à terre. Mais confondus par l’enquêteur, ils
reviennent sur leur témoignage et avouent que le soir du drame ils ont en
réalité découvert Marc-Antoine pendu et l’ont dépendu pour accréditer la
thèse du meurtre et cacher un suicide qui l’aurait empêché d’être enterré
religieusement. Le patriarche Jean Calas est arrêté avec sa famille. Leur
mensonge va tragiquement se retourner contre eux et imposer la thèse du
meurtre familial : pour l’accusation, Jean Calas protestant intransigeant,
aurait assassiné son fils pour l’empêcher de suivre l’exemple de son frère
aîné qui avait abjuré la religion réformée pour devenir catholique. Il
aurait ensuite maquillé le meurtre en suicide.
L’Affaire Calas se révèle et est racontée du point de vue de Marie
Corneille. Voltaire l’a recueillie en 1760, croyant qu’elle est
l’arrière-petite-fille de l’illustre Corneille, alors qu’elle n’est en
réalité que la vague arrière- petite-nièce désargentée du grand dramaturge.
À dix-huit ans, elle a débarqué à Ferney pour y être éduquée par un Voltaire
au sommet de sa verve et de sa gloire. Le philosophe excentrique, toujours
séducteur et amateur de femmes malgré son âge, est fasciné par
l’intelligence et l’à propos de la jeune fille.
Tout soudainement, comme porté par une violence qu’on ne lui connaissait
pas, Voltaire entreprend de remuer ciel et terre pour secouer les esprits.
Pour lui, l’affaire Calas constitue un de ces moments forts où se trouvent
réunis, et comme cristallisés, tous les éléments qui justifient les colères
de la France contemporaine et peuvent la conduire au pire comme au meilleur.
Il interpelle les juges : « Vous devez compte aux hommes du sang des hommes
! » Il ose écrire « qu’un arrêt du public vaut un arrêt du Conseil du roi ».
Il est lancé, rien ne peut désormais l’arrêter. Ferney devient à la fois une
véritable centrale de renseignements, une rédaction de gazette, un foyer
d’agitation, une auberge d’où chaque semaine partent des lettres par
centaines. Il orchestre tout. Véritablement, sa plume crépite. « J’écris
pour agir » assure t-il. Il plaide, accuse, fustige, argumente, analyse. «
Criez et qu’on crie » dit-il partout.
Il publie sous pseudonyme, mais personne n’est dupe, un « Traité sur la tolérance
» qu’il qualifie de « requête de l’humanité ». L’affaire devient une « cause
célèbre » qui illustre l’iniquité de la justice royale. L’Europe politique
et intellectuelle s’embrase: magistrats, hommes de lettres, public instruit,
pasteurs genevois tous dénoncent la justice expiatoire et hâtive du
Parlement de Toulouse inféodé à l’intolérance catholique. L’affaire remonte
jusqu’au roi Louis XV qui comprend, mais pas tout de suite, qu’il va lui
falloir, contre l’avis de son entourage, éteindre l’incendie.
Le 12 mars 1765, après maintes péripéties judiciaires et rebondissements
extravagants, malgré l’hostilité du Parlement de Toulouse, devant cent juges
réunis à Versailles, Calas est réhabilité à l’unanimité et sa famille
dédommagée par le Conseil du roi. L’enquête a été refaite concluant à
l’innocence du condamné. Le capitoul David de Beaudrigue est destitué. Il se
suicidera plus tard.
C’est la première fois dans l’histoire de la
monarchie que la justice royale admet son erreur et tente de la réparer.
Avril 1778 - La nouvelle se répand. Voltaire est à Paris. Il y était
interdit depuis vingt ans. Des Parisiens émerveillés le croisent, la rumeur
enfle « l’homme des Calas… Calas, Calas » crie la foule. On veut le toucher,
l’embrasser. Il monte péniblement dans son carrosse. Il lui reste un mois à
vivre.
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